Chaque jour qui passe, l’ignominie sur l’écran se fait encore plus terrible que la veille. Diogène 207 (3):59- (2004) Abstract This article has no associated abstract. Sur l’avenue principale, on vendait des pirojki farcis à la viande hachée, des glaces, des petits pains. Nous étions habitués à attendre qu’on nous dise les choses, qu’on nous les annonce. Nous ne sommes pas capables de la concevoir. Nous sommes ainsi faits, que diable ! Deux sont tombés malades, alors il s’en est trouvé un pour dire : « J’y vais ! Et je comprends que je suis la seule à aimer ce coucher de soleil. Au retour d’une mission, mes dossiers avaient disparu. ... 1/5 Svetlana Alexievitch : La supplication (France Culture) - Duration: 19:57. » dis-je à nos hôtes. Monologue d’un défenseur du pouvoir soviétique : Il n’a pas donné son nom. Les Fausses confidences de Marivaux. Il a prétendu que le type avait reçu une lettre de sa famille : sa famille le trompait. La force de vivre. En entrant, dans le vestibule, je me suis débarrassé de tous mes vêtements pour rester en slip. Dans cette histoire, il n’y a pas de Russes ou d’Allemands. , ils quittaient la terre pour rentrer en elle. Mais, après une ou deux bouteilles, on ne parlait plus que du destin du pays et de l’organisation de l’univers. Notre prof disait que trois pièces de monnaie contiennent assez d’énergie pour faire fonctionner une centrale électrique. J’étais assailli par un sentiment très particulier en voyant ce qui se passait. Pour Tchernobyl, il faudra bien répondre un jour, comme pour 1937. Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. Tout part, s’évanouit, nos sentiments changent… Avant l’opération, je savais déjà que j’avais un cancer. Monologue sur un soldat muet : Lila Mikhaïlovna Kouzmenkova, metteur en scène, enseignante au conservatoire théâtral de Moguilev. Et l’enfant est né pendant le voyage, dans la charrette. La direction demande des rapports sur l’avancement et le rythme des semailles. Sans succès. Partout des tueries, en Tchétchénie, en Bosnie. Je me souviens d’un homme, près du comité municipal du parti, à Minsk. » Vous vous rendez compte ? Les hélicoptères faisaient toujours des allers-retours et les véhicules militaires encombraient les routes. J’expliquais aussi comment le boire de manière correcte. Après une nuit sans sommeil, au matin, j’étais chez moi. Ils nous demandaient ce qu’on leur avait apporté... En route vers la zone, nous rencontrons une vieille femme en jupe brodée et tablier, un balluchon sur le dos. Ce résumé factuel ne remplace pas la lecture du texte intégral dont il ne prétend pas reproduire les qualités littéraires. Nous nous trouvions désormais tout près du réacteur. La ville était en possession de 700 kg de ces préparations qui sont restées dans les entrepôts. Une terre sur laquelle il est impossible de (185) semer, un portillon fermé à clef, des paysans produisant encore de l’alcool qu’ils nous vendaient… Car nous avions beaucoup d’argent : trois fois le salaire mensuel plus des frais de séjour multipliés par trois. « Mais à quoi ces crises d’hystérie, professeur ? De mon enfance, je garde des souvenirs qui ne ressemblent guère à cela… J’ai vu seulement un bon film de guerre dont j’ai oublié le titre. Nos détecteurs indiquaient 70 curies. On nous a dit que nous pourrions avoir de nouveau des enfants au bout de cinq ans. Des panneaux : « Accotements contaminés. Dans la zone, on croyait dur comme fer à ses vertus. Ces plans prévoyaient d’avertir la population entière en quelques minutes et de l’évacuer dans la forêt, en zone sûre dès le déclenchement de la sirène…. Je ne pourrai jamais abandonner le sujet. Vous ne devinez pas où ? Il m’est impossible d’aller chez eux. Seuls peuvent comprendre ceux qui ont fait la guerre. J’ai aimé la physique et je pensais que je ne m’occuperais de rien d’autre. Je ne réussis pas à l’exprimer. Après Tchernobyl, c’est venu naturellement. Dans (187) un village, il y avait deux maisons clandestines. Tout cela m’a mis la cervelle sens dessus dessous. J’avais besoin d’une information complète. Pas d’autre histoire, pas d’autre culture… Mes élèves tombent amoureux, font des enfants, mais ils sont calmes et faibles. Mais ma fille y fait des sauts, comme si elle voulait se faire à l’idée… Nous aurions pu partir d’ici, mais mon mari et moi, nous avons réfléchi et y avons renoncé. Nous étions très confiants, les vieux comme les jeunes. Deux mois plus tard, nous nous comportions normalement. Il nous faut toujours ajouter quelque chose à la vie quotidienne pour la comprendre. Des panneaux : « Accotements contaminés. Un autre, qui ressemblait à un stylo, pouvait mesurer jusqu’à 200 röntgens. « Qu’est-ce que tu as à nous bourrer le crâne ? Tous les secrétaires du comité du parti étaient debout à la tribune et la fille du premier secrétaire se tenait près de son papa. C’est là que j’ai appris pour la catastrophe. Le lendemain, elle est partie et nous avons mis à nos enfants leurs plus beaux vêtements pour les emmener aux commémorations du Premier Mai. Je ne veux pas mourir ! Ils avaient abordé les problèmes de la culture biélorusse. Que de témoignages perdus pour la science et pour l’Histoire ! Il a mis en marche son appareil et a promené son capteur le long de nos bottes. Quantité disponible : 1. La supplication. Pour eux, c’est le synonyme de justice. Où fuir ? Ils vont continuellement à des enterrements… Il fallait sauver tous ces gens ! J’en avais le souffle coupé. Nous souffrons. Mais je m’en fous ! Ce sont des gens privés d’immortalité qui en tuent d’autres. … Dans la presse, tout était mensonge… Je n’ai lu nulle part que nous fabriquions une sorte de cotte de mailles, des chemises de plomb, des culottes. Le Soviétique est incapable de penser exclusivement à lui-même, à sa propre, en vase clos. ordinaires, vous ne pouvez pas le concevoir…, Souvenez-vous que l’on nous préparait en permanence à une guerre future. => Une évaluation de ce travail sera effectuée dès le premier jour. On nous l’a pris tout le temps, effaçant nos traces. » Il y a du romantisme dans ces mots. Le monde a changé, il me semble plus éternel, comme avant. » Mais comment un physicien quelconque osait-il donner des leçons au Comité central ? Nous avons été privés de l’immortalité. ». Ainsi faisions-nous, près du réacteur… Des journalistes passaient nous voir. New York: Oxford University Press, 2006. Il faut montrer la guerre de manière si horrible que les gens vomissent. L’attente ininterrompue d’un désastre. Sur place, dans la centrale, les savants étudiaient la situation et prenaient des décisions. » C’est le type même du comportement militaire. Nous avions tous fait des stages de défense civile. « De quoi parlez-vous, professeur ? Les paysans n’avaient rien à faire ni du tsar, ni du pouvoir soviétique, ni des vaisseaux spatiaux, ni des centrales nucléaires, ni des meetings dans la capitale. Ces filles ne pourront jamais être mères. Ils n’ont pas compris que le siècle n’est plus le même. Les gens y vont comme dans un cimetière. Les Grecs, eux, avaient des dieux gais, rieurs. Résumé établi par Bernard Martial (professeur de lettres en CPGE) T raduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain J’ai lu n°5408. Je n’ai pas pu me libérer des nouveaux sentiments que j’éprouvais. Le nouveau thème au programme de français et philosophie pour les prepas scientifiques est « La force de Vivre » À l’époque, il suffisait de survivre. Et le fait que moi, le directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des sciences de Biélorussie, membre correspondant de l’Académie des sciences, je voulais parler au premier secrétaire du Comité central n’y changeait rien. NOTICES. La nature renaît mais la dépression règne. Nous n’avions plus besoin de la vérité. Accueil; Auteurs; Thèmes; Svetlana Alexievitch (12 citations) “Ceux qui ont vécu des humiliations ou qui ont connu la vraie nature de l'homme se fuient inconsciemment les uns les autres.” ― Svetlana Alexievitch. Une chose terrible venait de se produire et aucune information n’était disponible : les autorités et les médecins se taisaient. La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse. Je ne réussis pas à l’exprimer. Ils débarquent avec un magnétophone ! L’Institut s’est vu confisquer tous les appareils destinés au contrôle des radiations. Il y avait de tout. Avec un vol spécial. (201) Mais c’est très mauvais ! Toutes les citations de la version 1983 sont traduites par G. Ackerman d’après l’édition : Svetlana Alexievitch, Ou voïny ne jenskoïe litso. La situation était dantesque. Que devons-nous faire aujourd’hui de cette vérité ? Je m’arrête devant elle pour ne pas perdre la raison. Je ne suis pas le seul… En tant que soldat, je fermais les maisons des gens et il m’arrivait d’y pénétrer. J’avais emporté mon appareil par hasard. Edité par J'ai Lu (2016) ISBN 10 : 2290135992 ISBN 13 : 9782290135990. Je n’ai jamais éprouvé un tel sentiment, même pendant l’amour. Les premiers jours, nous avions peur de nous asseoir par terre, sur l’herbe. » On le félicita : « Bravo, les petits frères biélorusses ! Il fonctionne cinq minutes. celles de Minsk… qui attendait celles de Moscou. your own Pins on Pinterest Vous ne devinez pas où ? Mais regarde-toi dans une glace ! Les hauts salaires et le secret ajoutaient au romantisme. Lave- toi les cheveux… » J’ai raccroché. Chacun attendait un coup de fil, un ordre, mais n’entreprenait rien de lui-même. » Des quantités de blagues sont nées. Mais tout cela, c’est déjà de l’histoire… L’histoire d’un crime ! Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés. Je ne montrerai jamais de. L’homme se détache de la Terre, il manipule d’autres catégories temporelles et d’autres mondes. leurs familles, comprennent que c’est du théâtre. Mais où sont-ils, nos intellectuels, nos écrivains, nos philosophes ? Deux femmes se sont lancées dans une grande discussion. Un autre peuple. De toute manière, le retour, elle le ferait le lendemain. Notre peuple a toujours eu le sentiment d’être grugé. Un complot de l’ignorance et du corporatisme. À l’époque, j’étais premier secrétaire d’un comité de district du parti. Ce jour-là, le 26 avril, j’étais à Moscou, en mission. Notre mission était d’empêcher la panique. Que faisions-nous ? Je me lève, je vais aux répétitions, je rencontre mes élèves et cela est suspendu au-dessus de moi. Téléphoner pouvait m’attirer des problèmes : me valoir le retrait de mon habilitation au secret. Nous vivons dans un pays bien particulier… Je fermais toujours personnellement mon bureau. Il ne faut pas oublier dans quelle situation nous nous trouvions, il y a dix ans. Nous n’avions pas le droit de laisser échapper un seul détail. Nous habitons ici ! À 15h30, nous avons appris qu’il y avait eu un accident à la centrale de Tchernobyl… Le soir, pendant la demi-heure de trajet de retour à Minsk, dans l’autobus de service, nous avons gardé le silence ou parlé de sujets extérieurs. Nous ne sommes pas rationalistes. Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse. (Bibliothéque de la Fac. On nous emmenait dans la région de Leningrad. S’il y avait une autre explosion, tout recommencerait. Et maintenant, c’est mon métier. Pour rappel, en 2021 le thème du programme de français en prepa scientifique est la force de Vivre.. Les trois œuvres à étudier en français en prepa sont :. Personne ne nous obligeait à aller à la manifestation du Premier Mai. Nous allons vous exiler dans des contrées éloignées. Récemment, j’ai regardé l’émission Moment de vérité, avec Alexandre Iakovlev, membre du Politburo, celui qui était du côté de Gorbatchev. J’ai continué d’écrire, de faire des conférences. Vous notez seulement ce qui vous convient ! Nous recevions des combinaisons, des bottes, des trousses de premiers secours, des bandages. Et personne n’a rien eu. Allions-nous vaincre les Américains ? On évacue un village et l’on prévient celui d’à côté : évacuation dans une semaine. Il y avait des feux d’artifice, dans ma ville de Moguilev. Tableau des oeuvres, 2e partie. Plus tard, nous avons compris : ils croyaient tout ce qui se passait sur la scène. (222) Mais c’est aussi une sorte de barbarie. Ce manque de réaction me surprit grandement… Le soir même, un ami me passa un coup de fil. Nous habitons ici ! Or, Tchernobyl est une ouverture vers l’infini. À la guerre, il y avait des détachements de barrage qui tiraient sur ceux qui reculaient. Mais si l’on met de côté les émotions et la politique, il faut reconnaître que personne ne croyait vraiment ce qui venait de se passer, même les scientifiques ne parvenaient pas à y croire ! Peut-être valait-il mieux se suicider pour ne pas souffrir… C’étaient les premiers jours. Mais c’était aussi un jeu, une fuite de la réalité. Ses copines aussi, elles pensent toutes à cela. On lui a parlé des amas de graphite, des champs de radiation affolants, des températures très élevées. avec elle. Elle nous l’a amenée, à Slavgorod, quelques semaines après l’explosion de la centrale. où l’on m’envoyait. Les journaux écrivaient : « Au-dessus du réacteur, l’air est pur. L’ère de la physique ! Sous le nuage radioactif… Le 29 avril, à 8h du matin, j’attendais déjà dans l’antichambre de Sliounkov. Faites-le ! Nous avions un contrat avec l’Institut de physique nucléaire pour l’analyse de nos terres. Mais c’est aussi mon travail, mon quotidien, si j’ose dire. » Notre accompagnateur se taisait. Dans notre cercle, quelqu’un a sombré dans la boisson, une autre est entré au parti, pour faire carrière. Il n’y a que pendant la guerre que l’on suivait avec autant d’attention les communiqués du front. Un tracteur labourait un champ. » Nos yeux deviennent humides d’affliction. On tire. » Notre période de service était de 6 mois. Ma femme me suppliait de les renvoyer, de les faire partir. » J’ai pitié d’elles. a répondu le gosse…parce que nous mourrons tous bientôt. Et nous les avions…Dans les journaux, à la radio, à la télé, dans les meetings, tout le monde criait : nous voulons la vérité ! On peut se référer au site internet autorisé par l'auteur/autrice elle-même (en anglais) : alexievitch.info/en/ Les paysans n’avaient rien à faire ni du tsar, ni du pouvoir soviétique, ni des vaisseaux spatiaux, ni des centrales nucléaires, ni des meetings dans la capitale. Nous mettions nos masques dès qu’une voiture passait en soulevant la poussière et nous restions dans les tentes après le travail. J’avais envie de prier… C’est parce que je voulais me rappeler tout cela que je me suis lancé dans la photo… Voilà mon histoire… Dernièrement, je suis allée à l’enterrement d’un ami qui était là-bas. J’y avais moi-même enseigné. Deux sont tombés malades, alors il s’en est trouvé un pour dire : « J’y vais ! C’était effrayant, inhabituel… Les dosimétristes ont contrôlé mon bureau. Ils étaient faciles à (208) nourrir ! Le culte de la physique ! ), le nuage radioactif avance vers vous. Il avait reçu un ordre par radio : « Soldat Ivanov, dans deux heures, vous pourrez descendre pour fumer une cigarette ! Personne n’a applaudi… Mes étudiants ont été bouleversés. Les enfants étaient tristes. Rapporterait-il ou non ? Biélorusse née soviétique, Svetlana Alexievitch a recueilli la parole d’anciens citoyens de l’URSS. Un physicien, docteur ès sciences, spécialiste du nucléaire… comme il était insouciant ! Ils ont vaincu ! Véhesse. J’ai pris les carnets d’adresses de ma femme et de ma fille et j’ai entrepris d’appeler tout le monde : Moi, chef de laboratoire de l’Institut de l’énergie nucléaire, je vous annonce qu’un nuage radioactif traverse notre ville… Et j’énumère les mesures à prendre : se laver les cheveux, fermer les fenêtres et les lucarnes, relaver le linge qui sèche dehors, boire de l’iode. On aurait pourtant bien pu trouver des moyens d’agir ! Voilà bien l’erreur de tous les humanistes…Vous voulez savoir ce qu’est Tchernobyl ? Article paru initialement le 2 mars 2016 sur TdC. Les enfants ordinaires, qui vivent dans (198) leurs familles, comprennent que c’est du théâtre. Ils ne sont pas encore nés et nous avons déjà peur. (195). 9. Je ne suis pas un homme de plume, je suis physicien. La nature humaine demeure toujours un mystère pour eux. Je n’ai pas pu me libérer des nouveaux sentiments que j’éprouvais. Un physicien, docteur ès sciences, spécialiste du nucléaire… comme il était insouciant ! « À Tchernobyl ! N’importe quel physicien vous dira que le graphite se consume à raison de cinq tonnes à l’heure. Moi, je brûlais d’envie de monter sur le toit du réacteur. Highly Influential Citations 0. Nous avions des dosimètres. La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse de Svetlana Alexievitch On ne peut pas dire que l’on dissimulait les choses volontairement. Et vous voulez le forcer à penser à l’éternité ? Mais nous y étions passés. À condition de ne pas, avant ! Je pense : « Non, il faut les contourner. Ils ne comprennent vraiment pas ce qui s’est passé. Je pouvais voir sur son visage le dilemme qui se posait à lui : cafarder ou ne pas cafarder ? Que de documents ont ainsi été détruits ! Mais la conscience n’était pas prête. Moi, je brûlais d’envie de monter sur le toit du réacteur. J’expliquais aussi comment le boire de manière correcte. Ce sont des criminels ! … On me demande pourquoi je ne prends pas de photos en couleurs. Il s’ouvrira à nous encore plus profondément pour devenir un sanctuaire, un mur des lamentations. Avant, on nous bourrait le crâne en bous disant combien tout serait merveilleux « s’il n’y avait pas eu la guerre ». Vous embrouillez les gens. Les rayons du soleil ne pourront plus arriver à la surface de la terre, ce qui provoquera une réaction en chaîne : il fera de plus en plus froid. D’autres ont cessé d’aller au marché et d’acheter du lait et de la viande, surtout du bœuf. J’avais la certitude que, s’il s’était agi de quelque chose de grave, on nous aurait avertis. Je ne peux comparer cela à rien. une minute, une seconde de plus ! Si quelqu’un avait vu l’évacuation d’en haut, il aurait pensé que la Troisième Guerre mondiale venait de commencer. C’est intéressant de suivre l’évolution de ses propres sentiments. Nous avons émis des hypothèses… Que les extraterrestres étaient au courant de la catastrophe et nous sont venus en aide… Que c’était une expérience cosmique qui donnerait naissance à des enfants géniaux… À moins que les Biélorusses ne disparaissent de la surface du globe comme d’autres peuples avant eux : les Scythes, les Sarmates, les Cimmériens… Nous sommes des métaphysiciens… Nous ne vivons pas sur terre, mais dans un monde de rêves et de bavardages. « Ne sois pas si pressé, m’a-t-on dit. Une bouteille pour chaque homme, c’est une beuverie ; une demi-bouteille, c’est un remède… contre les radiations… Pourquoi ne notez-vous pas cela ? » … À l’époque, avec cinquante roubles, on pouvait se payer un beau costume. L’apocalypse… L’hiver nucléaire… Tout cela a été décrit par la littérature occidentale comme une répétition avant le spectacle du futur. Pourquoi je collecte tous ces détails ? J’ai toujours été tellement fier de notre réacteur. Je veux écrire autre chose : que nous étions une génération soviétique… Nos amis sont médecins, enseignants. Comme ce dont je me souviens de mon enfance… À part ça, il y a eu une autre peur inaudible, invisible, inodore mais qui nous change physiquement et psychologiquement. D’ailleurs, ils (225) vivent à la manière militaire : des postes de milice, des gens en uniforme, le contrôle des entrées et des sorties, les rations, des fonctionnaires qui distribuent l’aide humanitaire. Je n’y ai pas prêté la moindre attention. Ce soir, je dois faire mon rapport au Politburo. Tchernobyl a ouvert un abîme, quelque chose de plus insondable que la Kolyma, Auschwitz et l’holocauste. Tableau des oeuvres, 1ère partie. Je lui ai dit à voix basse ce qu’il fallait faire : « Ferme les fenêtres, mets tous les aliments dans des sacs en plastique. Il racontait l’histoire d’un soldat muet qui accompagnait une Allemande enceinte, engrossée par un soldat russe. J’ai demandé au représentant du comité de district du parti, qui nous accompagnait si le tractoriste était protégé par un masque. Rien qu’aux faits ! Mes sentiments débordent tellement que je ne peux les maîtriser, ils me paralysent. Mais je n’ai pas pu me retenir et j’ai appelé ma femme. Tchernobyl est une ville située en RSS d'Ukraine, à la frontière avec la Biélorussie (à l'époque toutes deux parties de l'URSS). J’ai vu comment d’autres gens se conduisaient. La vie suit son cours. Mais là… À la tête de notre défense civile se trouvaient des généraux et des colonels de réserve pour qui la guerre commence par une déclaration du gouvernement à la radio, des alertes aériennes, des bombardements. Des milliers de livres avec la livraison chez vous en 1 jour ou en magasin avec -5% de réduction . Tableau des oeuvres, 3e partie. Elle est en terminale et elle a déjà des idées pareilles. Nous nous plongions dans Soljenitsyne, Chalamov. Ils ne semblaient pas le moins du monde effrayés. Ils n’avaient peur de rien. Le commandant était incapable de nous répondre. 12. Je n’irai plus dans la zone alors que, avant, cela m’attirait. En revanche, si le soldat chopait plus de 25 röntgens, c’est le commandant qui allait en taule, pour avoir irradié ses soldats. Mais Qu’ils ne distribuaient pas pour éviter la panique ! Nous ne sommes pas rationalistes. De toute manière, l’homme doit bien mourir de quelque chose : le tabac, les accidents de la route, le suicide » … Ils se moquaient des Ukrainiens qui « se traînaient à genoux » au Kremlin en quémandant de l’argent, des médicaments, des dosimètres. Pourquoi voyons-nous se développer un tel intérêt pour la science-fiction ? Et vous prenez des photos. Pour les pensionnaires d’un orphelinat qu’on n’avait pas évacués. Les autres couleurs n’existent pas. Les premiers jours, nous avions peur de nous asseoir par terre, sur l’herbe. Tôt ou tard, ils auront à répondre de cela. 13. Ils ont alors décidé de partir et fait leurs valises. Je suis pour les communistes ! Questionnaire de lecture, 1ère partie. À Braguine : 30.000 microröntgens à l’heure ; à Narovlia : 28.000. L’un était étalonné jusqu’à 5 röntgens : l’aiguille venait aussitôt buter aux maximums. » On ne savait pas si elles se moquaient de nous ou d’elles-mêmes…  À notre retour à la rédaction, nous nous sommes tous (209) rassemblés pour une réunion. La première annonça qu’elle partait le lendemain avec ses enfants, chez ses parents. La Supplication Tchernobyl Chroniques Du Monde Aprs L. La Supplication Tchernobyl Chroniques Du Monde Aprs L. La Supplication Tchernobyl Chroniques Du Monde Aprs L. La Supplication Tchernobyl Chronique Du Monde Aprs L. Les Livres De 1 / 17 Nous ne lisions pas la Pravda, mais nous nous passions de main en main le magazine Ogoniok (magazine à la pointe de la perestroïka). Mais les bombes atomiques ne disparaîtront pas. 11. Maintenant, on exige que je te limoge. C’est aussi notre jeunesse, notre époque… Notre religion... 50 ans ont passé. Mais maintenant, après Tchernobyl, tout a changé. Notre éternité, c’est Tchernobyl… Et nous, nous rions ! Monologue sur la physique, dont nous étions tous amoureux : Valentin Alexeïevitch Borissevitch, ancien chef de laboratoire de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des sciences de Biélorussie. Ce n’est pas croyable ! ... La supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse. L’ai est peut-être pur, mais les doses énormes ! On les mettait par-dessus le pantalon. Nous avons parlé de la reine d’Angleterre et de la princesse Diana. Chez nous, les vieux sont assis sur le seuil de leurs maisons qui tombent en ruine, mais ils philosophent, réorganisent le monde. (182) La seconde avait confiance : « Les journaux disent que la situation redeviendra normale dans quelques jours. « La Supplication » : des mots sur la douleur innommable de Tchernobyl Pol Crutchen porte à l’écran le livre de témoignages recueillis par la Russe Svetlana Alexievitch. Plus tard, on a menacé ceux qui buvaient de rempiler pour une autre période. Personne ne devait avoir reçu plus de 25 röntgens… Les gars étaient bien. Nous sommes toujours un pays stalinien… Et l’homme stalinien vit toujours…. Bien sûr nous buvions comme des trous. Il ne suffisait pas, non plus. Nous maintenons des liens les uns avec les autres. Nous avions notre petit cercle. Et je ne verrai plus tout cela ? À cette époque, notre famille a décidé de ne pas économiser sur la nourriture. Une vieille femme est morte, chez nous. Pour ma génération… Cela vous choque ? On les vendait aux kolkhozes, mais ceux qui en voulaient pouvaient les prendre pour leur consommation personnelle. « Vous voyez, les gars, il y a des décombres sur le toit. La supplication. Seuls peuvent comprendre ceux qui ont fait la guerre. Et là, 3.000 röntgens à l’heure. L’ère de la physique s’est terminée avec Tchernobyl… Vous avez un autre regard sur le monde… J’ai lu récemment, chez Konstantin Leontiev, une réflexion selon laquelle les résultats de la débauche de la physique et de la chimie obligeraient un jour l’intelligence cosmique à se mêler des affaires terrestres. Le Soviétique est incapable de penser exclusivement à lui-même, à sa propre vie, de vivre en vase clos. Il y avait des milliers de tabous, des secrets militaires, de secrets du parti… De plus, nous avions été élevés dans l’idée que l’atome pacifique soviétique n’était pas plus dangereux que le charbon ou la tourbe. Blanche-Neige revisitée. Oh ! Elle est en terminale et elle a déjà des idées pareilles. Un soir, nous avons regardé par la fenêtre. sur une terre contaminée, à la labourer, semer ? vendredi 20 janvier 2017. Des serviettes blanches pendent sur les poteaux pourris autour de zone, comme sur des croix. Ils ont ouvert les entrepôts secrets, mais tout ce qui s’y trouvait était dans un triste état, hors d’usage. Le soir, plus personne n’était sobre. Dans mon esprit, l’énergie atomique nous emporterait dans l’espace. L’homme rit… Ce rire, c’est comme un discours. Même les femmes étaient un peu soûles, surtout celles qui s’occupaient de traire les vaches… À Malinovka (dans le district de Tcherikovski), j’ai visité le jardin d’enfants. Elle avait dû comprendre. Citations, analyses et fantaisies. Ce n’est que plus tard que j’ai lu la Bible… Et que j’ai épousé une deuxième fois la même femme. Et l’enfant est né pendant le voyage, dans la charrette. Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. On me téléphonait à la maison, pour me menacer : « Arrêtez de faire peur aux gens, professeur. * Svetlana Alexievitch, La Supplication, Traduction Galia Ackerman et Pierre Lorrain, éditions J’ai lu L’essentiel, pour vous, est de lire attentivement ces 3 uvre s de sorte à en avoir une connaissance globale. Avant leur départ, on fouillait les soldats qui y avaient fait leur service, pour qu’ils n’emportent pas de photos, le K.G.B. » Le soir, on la faisait sortir dans la cour pour voir si c’était vrai… On fait des comparaisons avec la génération de la guerre ? On nous a dit que nous pourrions avoir de nouveau des enfants au bout de cinq ans. Et ils ont envoyé leurs enfants bien loin, en catimini. Je voyage (224) à travers le pays. Il n’y a eu aucun ordre. Nous nous trouvions désormais tout près du réacteur. Dès que j’ai mentionné l’accident, la liaison a été coupée par le K.G.B. Ce manque de réaction me surprit grandement… Le soir même, un ami me passa un coup de fil. À mon arrivée, un vent de panique régnait autour de notre réacteur : les dosimètres montraient une aggravation de l’activité. Nous n’avons même pas de territoire historique. Nous avons passé la ligne. - Mais où me donnera-t-on cinquante roubles pour un seul trajet ? Voilà pourquoi je me bornerai à parler de faits. Et moi, je n’y ai pas cru. Un conte. Après vérification, tout était normal. Tu as prêté serment, tu as embrassé le drapeau, tu es donc obligé. Je me mis à hurler qu’il était fou. Ils montent sur le toit les bras nus, avec juste des gants de toile ! Leur quantité était égale à 350 bombes d’Hiroshima. Et vous désorientez (204) les gens. Le principal, c’est, Dans les premiers jours, nos sentiments étaient mitigés. Plus tard, nous avons compris : ils croyaient tout ce qui se passait sur la scène. Qu’ils en soient malades… Dans les premiers jours, alors qu’on n’avait pas encore montré la moindre photo, je m’imaginais déjà tout ce que cela pouvait être. Je n’avais pas envie de rester assis sur une chaise. L’un était étalonné jusqu’à 5 röntgens : l’aiguille venait aussitôt buter aux maximums.